Histoire du Château

Ce que nous disent les textes d’après les deux études de Brigitte Colas, de 2011 et 2016, cabinet De Pierres et d’Histoires, ainsi que l’étude dendrochronologique de Christophe Perrault réalisée en 2015

Sources : archives familiales et publiques. Les Maisons fortes en Bourgogne du Nord du XIIIe au XVIe s., H. Mouillebouche, EUD, 2002. Le château de Bussy-la-Pesle, Brigitte Colas, 2016. Autres sources précisées en fin de texte. Pour plus d’informations sur les sources, merci de nous contacter.

L’histoire du château est en perpétuelle écriture au fur et à mesure que nous découvrons les archives, éléments d’architecture soulevés sous un lambeau d’enduit, études et témoignages! Dernière mise à jour: 25 février 2021

Hiver 1201: l’aventure commence!

Nous remontons aux plus lointaines traces du château. Lors de la datation dendrochronologique, Christophe Perrault a daté le plancher au-dessus de l’arcade d’entrée. L’arbre ayant servi à faire ce plancher a été abattu à l’automne-hiver 1201-1202! Ce plancher est placé au-dessus d’un porche qui aurait pu donner sur un pont-levis, une trace de mâchicoulis eut-elle été trouvée.

XIIIe : Les Châteaux de Bussy et de Drée, étrangement similaires

Il est possible que le premier château de Bussy ait été édifié par la puissante famille des Sombernon à l’aube du XIIIe siècle. Cette famille y posséde déjà des bois et a noué des alliances avec tous les lignages nobles de la région, comme la famille de Drée qui, à quelques kilomètres de Bussy, posséde un château qui présente de grandes similitudes avec celui de Bussy.

1239 Jacquette de Sombernon et Guillaume de Montagu

En 1239 Gauthier de Sombernon meurt, laissant à sa fille Jacquette de Sombernon, les châteaux de Sombernon, Mâlain, Montoillot, Bussy et Etais, ainsi que de nombreux fiefs, comme Savranges, Savigny-sous-Mâlain. Elle est mariée avec Guillaume de Montagu, le seigneur de Mâlain, un village situé à dix kilomètres de Bussy et dont les ruines du château, en haut d’un éperon rocheux, avec moults corbeaux croassants, peuvent être aperçues depuis le train à droite quand on vient de Paris, en sortant du tunnel de Blaisy-Bas.Guillaume de Montagu est descendant des rois de France et cousin du duc de Bourgogne.

1363: Jeanne de la Roche contre l »Archiprêtre » et ses écorcheurs

Leur petit-fils Eudes de Montagu, meurt vingt ans avant sa femme Jeanne de La Roche-Vanneau. Elle administre en son nom propre les châteaux de Marigny le Cahouet, Etais, Bussy comme fiefs relevant de Mâlain et la Roche-Vanneau. 

La France et l’Angleterre sont en guerre depuis 1337 ; c’est la guerre de Cent Ans. En 1356, le roi de France est fait prisonnier à Poitiers. Un traité de paix intervient en 1360 au terme duquel le roi d’Angleterre renonce à revendiquer la couronne en échange d’un tiers du royaume. Après le traité de Brétigny, et par la suite à chaque interruption des hostilités, les routiers envahissent le pays. Ces grandes compagnies sont des troupes de mercenaires qui, financées par les princes en tant de guerre, vivent de pillage et de rançon en temps de paix ou de trêve.

En janvier 1363, le château de Bussy est le théâtre d’un épisode de la Guerre de Cent Ans.
Une compagnie de routiers, commandée par Arnaud de Cervoles, surnommé « l’archiprêtre » s’ est emparée du château. Il est à la tête d’une bande d' »écorcheurs » et se rémunère des services rendus sur le pays. Bien vite on rassemble une troupe et on vient mettre le siège devant le château.

Le 19 janvier, le gouverneur de Bourgogne Henri de Bar demande à Guillaume de Cluny, bailli d’Auxois, de le rejoindre pour aller mettre le siège devant la maison forte.

« Nous sommes sur le point de les faire vuider comment qu’il soit« , écrit le bailli.

Le 25 janvier des troupes arrivent pour reprendre le château. 

C’est autour de ces dates qu’un bâtiment médiéval se serait écroulé à Bussy.

1401: Eudes de Villars négocie le mariage de Marie fille de Philippe le Hardi

La succession d ‘Eudes de Montagu est cause d’innombrables procès dans la famille jusqu’à la fin du XVIe siècle.

En 1367, à la mort de Jeanne de la Roche, c’est son petit-fils Eudes de Villars, né en 1360, qui hérite directement, fils d’Agnès et de Jean de Villars, seigneur de Montellier dans l’Ain. 

Le sceau de Pierre I de Montagu, 1367
Le sceau de Pierre I de Montagu, 1367

Eudes de Villars, marié à Alix des Baux, est un personnage politique actif en Savoie, qui n’est peut-être jamais venu à Bussy. Il participe aux campagnes du comte de Savoie Amédée VI en Piémont, et entre en possession du château de Montribloud en 1384. De 1393 à 1398, il est gouverneur de la Savoie, la Bresse, le Bugey pour le jeune comte Amédée VIII, futur duc de Savoie, qui est alors mineur. Puis, en 1401, il négocie pour Amédée VIII un avantageux mariage avec Marie, fille de Philippe le Hardi, le duc de Bourgogne.

A cette époque, Eudes de Villars tient Bussy en fief du seigneur de Mâlain, Pierre I de Montagu. Nous le savons car il a donné hommage et dénombrement à Philippe le Hardi.

1384: Jeanne de la Tour et le Capitaine de Paris

Quand Eudes meurt en 1415, il laisse le château à sa nièce Jeanne de la Tour, fille d’Antoine de la Tour d’Illens, mariée à Jean de la Baume en 1384. Dans le dénombrement pour ses châteaux donné à Pierre de Montagu en 1416, voici l’écrit de Jean de la Baume:

« Nous Jehan de La Baulme, seigneur de Vellefin et de Labergement, scavoir fais à tous [par] ses présentes que  […] notre treschière et très amée compaigne dame Jehanne de la Tour »(1)

Blason des La Baume
Le blason de Jean de la Baume tel qu’on peut le voir au-dessus de la porte de l’église de Marigny-le-Cahoüet, en Bourgogne.

Jean I de la Baume, né vers 1360, connaît une enfance tumultueuse. Orphelin jeune, c’est son demi-frère plus âgé, Guillaume Bastard de la Baume, qui le conseillait probablement dans la défense de ses intérêts. Or Guillaume est un homme d’armes: au lendemain de la bataille de Cravant, en 1423, il était lui-même à la tête de troupes d’écorcheurs qui déferlèrent sur les campagnes bourguignonnes.

Jean de la Baume fait cependant une brillante carrière politique, gravissant les échelons de la cour de Bourgogne à celle du Roi, à Paris. Echanson du duc de Bourgogne, il est gouverneur de de Meaux puis conseiller, et chambellan du roi de France Charles VI en 1420. Il est fait maréchal de France le 22 janvier 1421, il est alors capitaine de la ville de Paris. Au sommet de sa gloire, la même année le comte de Savoie érige la terre de Montrevel en comté à son profit. 

En 1416, il nomme Hugenin de Gorreond pour gérer ses biens à Bussy. Mais tout à ses affaires à Paris, Jean s’est éloigné de ses fiefs, et un usurpateur a pris son nom en Bourgogne et occupe ses châteaux en se faisant passer pour son fils!

1421: Jacques l’Usurpateur vuide Hugenin et Guillaume

En juin 1421, le château est de nouveau pris par des gens de guerre. A leur tête, un individu se prénommant Jacques, qui a usurpé le nom de la Baume peut-être pour faire croire qu’il était un parent de Jean et endormir la vigilance des bourguignons.

L’authentique Jacques, fils de Jean de la Baume, n’est en effet pas à Bussy à cette époque: grand maître des arbalétriers de France, il réside probablement dans la Bresse dont il a été nommé bailli et lieutenant général par le duc de Savoie.

Jacques l’usurpateur fait prisonnier Guillaume Jacques, châtelain, qui avait la garde des biens de Jean en Bourgogne, dont au moins trois châteaux, ainsi que les trésors et richesses qu’ils pouvaient contenir.

Le 16 septembre 1421, Jean, retenu à Paris par sa charge de capitaine, s’adresse alors au roi Charles VI pour faire intervenir les baillis de Sens, d’Auxerre et de Troyes et reprendre les châteaux de Marigny, la Roche et Bussy, ainsi que les « meubles et argent, joyaulx, vaisselle d’or et d’argent » qui se trouvaient dans les châteaux:

« ung nomme Jacques qui se dit de la Baume accompaignit d’aucuns ses complices et satellites et lesquelox par avant avoient pillié et desrobé par tres grant trahison et commanditie [Jean de la Baume] de tous ses bien meubles et argent, joyaulx, lettres et vaisselles d’or et d’argent […] s’en est venu oudit chastel de la Roiche […] et par vertu d’une garde généralle […] s’est fait garder en possession et saisir desdits chasteaulx, terres et forteresses de la Roiche, Marigny et Buxi et de tous ses biens meubles estant en icelles forteresses« (2)

1430 Construction de la Charpente médiévale

La charpente médiévale est encore visible aujourd’hui, dans un état exceptionnel, dont l’abattage des bois a été daté autour de 1429. Sans doute a-t-elle été édifiée sur le modèle de la précédente, qui aurait souffert de l’épisode de l’usurpateur.

1460 « Chastel qui guère ne vault »

Les cherches de feux (recensements) du bailliage d’Auxois, prévôté de Pouilly, nous renseignent sur l’état du château, apparement en piteux état:

« Bussy où il y a chastel qui guère ne vault et ny a foire ne marchié est à Guy de la Beaulme, seigneur de la Roche. Et sont les hommes sers taillables haut et bas« (3) 

Heureusement Jeanne de Longvy et Guy de la Baume vont entamer des travaux, parce que là ma chérie, ça ne vaut guère ce château!

Jeanne de Longvy et Guy de la Baume

Guy de la Baume, fils de Pierre, et petit-fils de Jean, apparaît dans les textes vers 1460. Guy a cumulé tous les biens de ses parents. Il est seigneur de Montriblod en Bresse, d’ Irlains et Attalens en Suisse, la Roche-Vanneau, Marigny-le-Cahouët, Sainte Colombe et Bussy en Bourgogne. Il épouse Jeanne de Longvy. 

Guy de la Baume a beaucoup vécu en Bourgogne et a fait réaliser des travaux dans presque toutes ses résidences. A Bussy, il fait construire un nouveau logis, aujourd’hui le corps central, et probablement la tour en même temps.

Jeanne de Longvy et Guy de la Baume sur le vitrail de la Roche Vanneau

A la Roche-Vanneau, il reconstruit le chœur de l’église et se fait représenter en prière avec sa femme sur les vitraux du chœur.

Jeanne de Longvy et Guy de la Baume sont agenouillés devant un prie-Dieu et se font face. Malheureusement leurs visages et les détails, réalisés à l’origine à la grisaille ont disparu. Au-dessus d’eux s’étendent d’élégants paysages peints à la grisaille et au jaune d’argent. Les détails sont soulignés au jaune vif. A gauche se dressent un château, une église et un moulin à vent le tout entouré d’une puissante courtine munie de tours et percée de portes. A droite, d’autres châteaux avec leurs tours et leurs murs d’enceinte. Ces châteaux évoquent peut-être les résidences du couple à moins qu’il ne s’agisse que d’une illustration symbolique de la puissance du seigneur.

1482 La cuisine médiévale est modifiée

La cheminée médiévale est proche de celle qu’on peut voir aux Hospices de Beaune
Dans la cuisine médiévale, cette cloison a été datée par dendrochronologie à l’hiver 1482. Les fonds pour la dendrochronologie ont été réunis par l’association des amis du château de Bussy-la-Pesle.

1504 Bussy la Poille

Apparaît la mention Bussy la Poille ou la Pesle, probablement associé au moulin.

La fresque que nous avons découverte en 2016 dans le logis médiéval date probablement de la Renaissance.

1516 Guy de la Baume est fait chevalier de la Toison d’Or

Le blason de Guy de la Baume, visible aujourd’hui à l’église de la Roche-Vanneau: d’or à la vivre d’azur posée en bande.

Guy de la Baume parvient aux plus hauts honneurs en étant fait chevalier de la Toison d’Or par Charles Quint en 1516. Il rédige son testament en 1526 et meurt l’année suivante.

Guy de la Baume et Jeanne de Longvy donnent Bussy à leur fils Marc, qui épouse sa cousine issue de germaine Bonne de la Baume, récupérant ainsi le titre de comte de Montrevel. A la mort de Bonne, il se remarie avec Anne de Chateauvillain qui lui apporte en dot la puissante seigneurie de Chateauvillain. Dès lors, il s’intitule seigneur de Bussy et de Chateauvillain.

Il est probable qu’il ne soit guère venu à Bussy et meurt en 1527 à Montrevel. Jean IV de la Baume, mort en 1552, transmet Bussy à sa fille unique Françoise, mariée à Gaspard de Saulx. Le château est alors donné à la sœur de Gaspard, Bénigne de Saulx mariée avec Léon de Neuchèze.

Bénigne de Saulx et Léon de Neuchèze ont deux fils : Jean qui hérite d’abord puis vend la seigneurie en 1579 à son frère Jean-Jacques marié (en secondes noces) avec Marguerite Frémyot.

Jean-Jacques de Neuchèze, baron des Francs et seigneur de Bussy, entre autres, sert Henri III et Henri IV durant les guerres de la Ligue. Il se fait remarquer durant la bataille d’Ivry le 11 mars 1590.

1595 Bussy devient Baronnie

En mai 1595, pour le récompenser, Henri IV érige la seigneurie de Bussy en baronnie. Cette baronnie comprend alors Drée qu’il avait acquis auparavant. Deux foires et un marché sont créés à cette occasion.

Lors de la bataille de Fontaine-Française (5 juin 1595) qui oppose Henri IV aux ligueurs et aux troupes espagnoles menées par Charles de Mayenne, Jean-Jacques est blessé mortellement. es deux fils. Bénigne et Jean-Jacques, orphelins assez jeunes, sont mis sous la tutelle de leur grand père maternel et de leur oncle paternel. Sous cette tutelle les habitants de Bussy sont affranchis. 

A cette époque le village est en ruine à cause des guerres, des famines et des épisodes de peste et autres maladies qui sévissent encore dans toutes les campagnes bourguignonnes.

Bénigne reçoit la terre de Bussy vers 1617, sert Louis XIII et se distingue au siège de la Rochelle en 1627, il meurt au siège d’Alais le 21 juin 1629 sans postérité.

Jean-Jacques nait le 25 octobre 1591. Il devient évêque de Chalon-sur-Saône en 1624. comté par lettres patentes de novembre 1637. En 1644, il bénit le mariage de Mme de Sévigné. Il meurt le 1er mai 1658.

1659 Nicolas de la Toison: « les habitants ne s’en plaignent point »

Nicolas de la Toison, né aux environs de 1620, est nommé conseiller au Parlement de Bourgogne par lettre du 4 décembre 1645 et reçu le 19 janvier 1646. Il épouse par contrat Marie Fyot, fille de Philippe Fyot.
Nicolas posséde déjà à Dijon un hôtel, aujourd’hui siège de la banque de France, qu’il a acquis le 1er juillet 1652 de Bernard d’Esbarres. Comme la plupart des conseillers au Parlement de Bourgogne, cherche à acquérir un château qui est à la fois un placement financier et un objet de prestige pour cette nouvelle noblesse parlementaire du XVIIe siècle. Par l’acquisition du château et de la baronnie de Bussy le 8 janvier 1659 au comte de Neuchèze, cousin de l’évèque, il devient ainsi baron de Bussy.

« Estimé riche, les habitants ne s’en plaignent point « nous précise l’ enquête d’un intendant.

Nicolas de la Thoison a défendu Fouquet lors de son procès.

Lors du mariage de son fils Claude avec Marie Dehenin en 1690, Bussy est donné au jeune couple mais Claude de la Toison meurt peu de temps après et la terre de Bussy passe à son frère Philippe.

1793 Marie de la Toison fait marteler ses armoiries 

En 1767, Marie de la Toison, la fille de Philippe de la Toison et Hélène Depra, hérite du château. Elle fait construire l’église actuelle du village.Marie de la Toison passe la période révolutionnaire sans autres souci semble-t-il, que celui de faire ôter les armoiries ornant les bornes de délimitation de sa propriété. 

Le 29 Floréal an II (à la révolution), à la demande de la municipalité de Bussy, Marie de la Thoison fait marteler ses armoiries sur les bornes du domaine.

Marie de la Thoison, qui a fait construire l’église actuelle du village, laisse le chateau à son cousin Antoine Tanneguy le Compasseur de Courtivron (né en 1763 ) qui sera maire de Dijon puis de Bussy.

Le château dans la première moitié du 19e siècle, aquarelle.

1821 Antoine-Tanneguy, maire de Dijon 

Louis-Philippe de Courtivron

Marie de la Toison décède en 1805 à l’âge de 96 ans en transmettant sa propriété à un lointain cousin Antoine-Tanneguy le Compasseur de Courtivron, né en 1793, qui vient de rentrer en France après avoir émigré. Il s’établit d’emblée à Bussy et ne revient à Dijon qu’après la Restauration. Il sera maire de Dijon en 1821 à 1829 puis maire de Bussy-la-Pesle.

A la mort d’Antoine-Tanneguy en 1832, son fils Louis-Philippe-Marie (photo ci-contre) hérite de Bussy et épouse Constance de la Pallu. Le couple aura onze enfants. Leur fils Charles reprend Bussy puis le lègue à son propre fils Stanislas qui vend le château à son frère cadet Aynard en 1875.

Le château vers la fin du 19e, aquarelle

1920 Le château, exploitation forestière

Les frères Denizot, exploitants forestiers, achètent le château « à la bougie » à Adèle de Courtivron Chevreul. Le domaine devient une exploitation forestière: les chevaux logent dans les vastes écuries. Le château est ensuite transmis par héritage, puis revendu.

2009

Les propriétaires actuels acquièrent le château et entreprennent d’ambitieux travaux de rénovation.

Rénovation de la charpente sur le bâti Renaissance. Rénovation complète de l’aile Est ( 19e)

2021 Mise en service de l’assainissement écologique

Un bassin de lagunage est installé dans les douves et branché sur le réseau d’eaux usées.

Actualités

Références

(1) Bibliothèque Municipale de Roanne, fonds Vichy, 20/F, V54/4, n°4

(2) Extrait, Archives départementales de l’Ain, E 158

(3) Archives départementales de Côte d’Or, B 11517, p.93